Claude Bailly, décembre 2003 Résumé
Les enfants victimes de violence Octobre 2003, à Strasbourg, Dylan, 4 ans, meurt sous les coups de sa mère et de l’amant de sa mère, alors que le père est apparemment absent de sa vie d’enfant. A La Courneuve (Seine Saint-Denis), Cady, petite fille de 7 ans, est étranglée par sa mère séparée du père de Cady : Le père vit toujours dans leur pays d’origine alors que la mère a émigré en France avec Cady. Les décès de Dylan et de Cady illustrent tragiquement la situation fragilisée des enfants placés en «garde» monoparentale et ils rappellent d’autres exemples parmi lesquels :
Plus de deux millions d’enfants mineurs sont séparés d’au moins un parent et un million cinq cent mille ne voient que rarement ou plus jamais leur père. Les « vraies » familles monoparentales, c’est à dire ou un parent est décédé ou disparu, sont minoritaires. Les foyers monoparentaux sont provoqués à 80% par les divorces et les séparations (4). L’enfant est protégé
par la cellule familiale. Il est fragilisé quand il perd le soutien
quotidien de l’un de ses parents. Les risques de maltraitance sont amplifiés
dans les situations de résidence monoparentale (5)
après séparation des parents. On l’observe nettement par
une plus forte proportion de drogue, d’alcool, de violence, de dépression
et suicide parmi les enfants « monoparentés » par rapport
aux enfants « biparentés ». Et cela reste vrai même
dans les foyers « recomposés » entre un seul des deux
parents et un nouveau conjoint (6). Même constat
pour l’échec scolaire, bien plus fréquent chez les enfants
de parents séparés (7). Il existe aussi
des parents destructeurs ou psychogènes avec qui le maintien du
contact présente un risque pour l’enfant. En dehors de ces cas extrêmes,
l’absence d’un des parents, on le constate, est un facteur de risque pour
l’enfant.
Les dangers de la garde monoparentale La résidence monoparentale peut bien se passer ; par exemple lorsque le parent « gardien » est personnellement équilibré et apporte une éducation équilibrante, alors que le parent éloigné abandonne son enfant ou a des tendances destructrices. Il faut cependant être conscient des risques qu’elle fait courir à l’enfant. La séparation volontaire et non nécessaire d’avec son parent, la privation du lien parental affectif et éducatif est, en soit, une première maltraitance. A elle seule, elle peut expliquer les perturbations et le mal-être de l’enfant : L’enfant se construit psychiquement grâce à deux références d’adultes : identification à l’adulte référent de même sexe et complémentarité par rapport à l’adulte référent de l’autre sexe (8). La carence en soin et éducation soit maternel soit paternel a des conséquences négatives sur son développement normal. Plusieurs études comparatives d’enfants en situation monoparentale maternelle montrent des retards de développement par rapport aux enfants disposant de leurs deux parents, principalement sur les nourrissons et les jeunes enfants (9). Les dangers de la résidence monoparentale ont aussi, vraisemblablement, leurs sources dans plusieurs facteurs : 1 Un parent se retrouvant, volontairement ou non, seul responsable au quotidien de son enfant, n’a plus ni repère ni contrôle venant de l’autre parent. Il subit aussi une charge éducative disproportionnée. 2 L’enfant est utilisé comme otage dans le conflit du divorce ou post-divorce : il devient à la fois une arme de vengeance contre l’ex et une victime expiatoire. On peut lire, par exemple, dans un rapport parlementaire canadien : « Il n'est pas rare que le parent qui a la garde de l'enfant se serve de son enfant comme d'une arme dans la guerre matrimoniale, afin de saboter le droit de visite. » (10).
La résidence monoparentale induit surtout des violences spécifiques (heureusement non systématiques) : la privation de lien affectif, l’atteinte à l’intégrité morale et l’aliénation parentale La privation du lien affectif La privation du lien affectif avec le parent absent crée une souffrance continue, voire un traumatisme qui peut affecter durablement l’équilibre et la confiance en soi de l’enfant victime.L’atteinte à l’identité et à l’intégrité morale Par ailleurs, le dénigrement du parent absent, les insultes et les violences verbales atteignent l’enfant dans son identité et sa dignité de fils ou fille. L’enfant normal et non manipulé aime sa maman et son papa. Il s’identifie comme fils ou fille de l’un et de l’autre. Le dénigrement du parent absent est une atteinte à son intégrité morale.L’aliénation parentale L'aliénation parentale est la forme aiguë et pathologique de ces deux dernières violences. Elle consiste à conditionner un enfant pour qu'il haïsse un de ses parents sans justification (12). Comme dans le syndrome de Stockholm, l’enfant victime du syndrome d’aliénation parentale (S.A.P) apporte sa propre contribution au dénigrement du parent visé. Les graves répercutions psychiatriques sur l’enfant peuvent être irréversibles. Souvent, l’aliénation parentale s’accompagne d’accusations de violence portées contre l’autre parent, accusations que l’enfant s’approprie. Le SAP est particulièrement destructeur et une guérison nécessite d’abord de couper le lien avec le parent aliénant.
La protection des enfants est d’abord le rôle des parents (13). Encore faudrait-il que le traitement judiciaire du divorce et de la séparation n’entrave pas ce devoir de protection. Or, la justice familiale conduit dans certains cas à déresponsabiliser et à exclure les parents divorcés ou séparés. Le mécanisme de cette exclusion parentale repose nottament sur quatre bases : le refus de résidence alternée, le délit de non présentation d’enfant, l’enlèvement légal et l’accusation mensongère entre parents. Les résidences monoparentales imposées contre l’avis des parents En cas de désaccord voire de conflit entre parents, le juge aux affaires familiales décide à leur place. Un grand nombre de juges impose encore contre leur gré une résidence monoparentale aux familles séparées. Or, c’est justement en cas de conflit entre adultes que la résidence monoparentale fait courir les plus grands risques à l’enfant. Comment le parent qui ne rencontre son enfant que deux week-ends par mois pourrait-il le protéger, le surveiller et l’éduquer ? Comment pourrait-il s’opposer à une maltraitance dans l’autre foyer ou même s’en apercevoir? A contrario, et contrairement à certaines idées reçues, il n’existe aucune risque spécifique connu ni aucune contre-indication médicale ou médico-psychologique prouvée à la résidence alternée. Vingt études concrètes ont été réalisées sur 30 ans et dans différents pays sur la pratique de la résidence alternée. Aucune ne met en évidence un quelconque danger ou perturbation pour l’enfant, quelque soit son âge (14).L’impunité des délits familiaux La résidence monoparentale serait déjà moins pénalisante si les droits de visite et d’hébergement étaient respectés. Le délit de non présentation d’enfant, commis par le parent «gardien» qui refuse jusqu’aux visites chez l’autre parent, est destructeur de lien familial. C’est un délit grave commis contre l’enfant et contre l’autre parent : Il est, normalement, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Dans les faits, les parents victimes éprouvent des difficultés à faire enregistrer leur plainte … qui est classée sans suite dans la plupart du temps. Les infractions ne sont condamnées que dans moins de 8% des cas. Et depuis 1970, le nombre d’infractions a augmenté au fur et à mesure que le taux de condamnation baissait. En 1970, les non présentations d’enfant étaient condamnées au pénal à près de 50%. (15).La légalité des enlèvements d’enfant L’enlèvement de son domicile ou la soustraction d’un enfant à son parent par l’autre parent est, dans l’immense majorité des cas, parfaitement légal. Sans même parler des enlèvements à l’étranger, un parent peut faire disparaître son enfant et lui couper tout contact avec son père ou sa mère. Certains organismes ou associations financés par l’état conseillent même l’enlèvement aux parents en conflit conjugal (réel ou prétendu) (16). Si on peut trouver légitime de rompre la cohabitation conjugale, il est beaucoup plus discutable de vouloir mêler les enfants au conflit d’adultes ou de les considérer parmi les effets personnels d’un des parents.La tolérance des allégations mensongères Lors des revendications de «garde» des enfants ou lors des procédures de divorce, les témoignages de complaisance et les accusations mensongères sont, hélas, monnaie courante. Il faut donc considérer avec prudence les dénonciations entre parents. Et il n’est pas rare que la justice se retourne contre les victimes : Certains parents «gardiens» maltraitant se protègent en lançant des accusations de violence contre l’autre parent. Souvent la police et la justice, obnubilées par ce soupçon, verrouillent l’enfant aux seules mains du gardien et écartent complètement l’autre parent qu’elles présument coupable. Il faut plusieurs années de procédures pour innocenter ce dernier. Il ne recouvre alors pas pour autant ses pleins droits. Et l’accusateur malveillant conserve le contrôle de sa victime sans être autrement inquiété.
Les solutions sont pourtant simples et ne coûtent rien : rétablir l’autorité et la responsabilité de tous les parents, même séparés. On améliorera grandement la sécurité des enfants du divorce en favorisant la co-parentalité et la parité père-mère (17). L’état et la justice doivent garantir le droit de chaque enfant à sa famille et permettre à ses deux parents de le protéger et de l’éduquer. Cela passe par l’application de trois idées simples : 1) ne pas imposer la résidence monoparentale, 2) favoriser l’implication des parents ne résidant pas avec leur enfant, 3) responsabiliser les parents malveillant qui s’opposent à la co-responsabilité parentale de l’autre : 1. Ne pas imposer une résidence monoparentale à des parents qui, tous deux, veulent et peuvent élever leur enfant dans de bonnes conditions. |
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références:
(1) Ouest France 23 novembre 2001 (2) témoignage recueilli par SOS PAPA magazine N° 44, décembre 2001. Voir aussi la lettre de Brenda CAL, 35 ans dans SOS PAPA magazine N°51 septembre 2003, p13. (3) exemples cités par Le Parisien du 25 octobre 2003 (4) INSEE, INED 1994 ; INED Institut National d’Etudes Démographiques, Paris population et société, janvier 1999 (5) Les notions de « garde » ou de « droit de garde » n’ont plus d’existence légale depuis 1987. En théorie, les deux parents ont mêmes droits et mêmes devoirs. En pratique, la résidence de l’enfant peut être fixée soit chez les deux parents séparés (résidence alternée) soit chez un seul des deux (résidence monoparentale). (6) Baromètre santé jeunes 97/98 page 302, CFES Comité Français d’Education pour la Santé (7) Dans les familles
de catégorie sociale intermédiaire (employés) le taux
d’accès au baccalauréat est de moitié inférieur
dans les familles dissociées par rapport aux familles unies.
(8) Christiane OLIVIER,
psychanalyste et auteur, écrit par exemple qu’il faut permettre
« à l’enfant de trouver, dés son arrivée au
monde, un référent de même sexe et un complément
de sexe opposé : l’un servant de support à l’identification,
l’autre assurant l’Œdipe et l’identité ».
(9) LE CAMUS J “pères
et bébés”, éditions L’Harmattan Paris 1998 p169 ;
p184 -197
(10) Parlement
du Canada ; Rapport du comité mixte spécial sur la garde
et le droit de visite des enfants décembre 1998
(11) Vous connaissez l’histoire de Cendrillon (12) GARDNER, R.
Recent trends in divorce and custody litigation. 1995 Academy Forum, 29(2):3-7.
The American Academy of Psychoanalysis
(13) Code
Civil, article 371-1, alinéa 2 :
(14) http://www.residence-alternee.com/cadre questions psy.htm (15) Source : Ministère de l’intérieur, ministère de la justice et SOS PAPA magazine N°47 septembre 2002. (16) Par exemple, le CIDF Centre d’Information sur les Droits des Femmes de l’Oise, dans une brochure « Violences conjugales » conseille aux femmes : « vous pouvez quitter le domicile commun avec vos enfants, sans autorisation du juge ». (17) voir aussi : SOS PAPA « analyses et proposition pour la famille » janvier 2003 – SOS PAPA magazine N°48 |